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André Comte-Sponville:

Le Sexe 

ni La Mort.

  • On a pu écrire que les hommes sont prêts à tout pour faire l'amour, y  compris à aimer. Et que les femmes sont prêtes à tout pour aimer et être aimées, y compris à faire l’amour. Formule outrancière, cela va de soi, mais qui n'est peut-être pas sans une part de vérité.

 

  • Il n'y a amitié, que s'il y a bienveillance mutuelle, et mutuellement reconnue. Aristote

 

  • Ce qui est fait par amour s'accomplit toujours par-delà le bien et le mal. Nietzsche

 

  • Etre amoureux, c'est forcément se faire des illusions sur celui ou celle dont on est épris.

 

  • Un couple heureux, ce n'est pas un couple où l'on ne s'ennuie jamais; c'est un couple où l'ennui est l'exception, non la règle, où l'on s'ennuie beaucoup moins à deux que tout seul ou avec les autres.

 

  • L'amour sensuel est prisonnier du manque, du corps, de la finitude.

 

  • Cela même, qui fait sa violence, le voue à sa disparition: le plaisir est son but et son terme, donc aussi son échec. L'amitié au contraire, parce qu'elle est spirituelle (jouissance non des corps mais des âmes), est ouverte à l'infini et, hors la mort, à l’éternité.

 

  • Quelqu'un qui serait incapable d'aimer, il lui manquerait une qualité essentielle: il lui manquerait évidemment une vertu, et non la moindre.

 

  • Aimer celui ou celle qui manque c'est facile. Aimer celui ou celle qui est là, dont on partage la vie, celui ou celle qui ne manque plus, c'est beaucoup plus difficile!

 

  • René Char a donné de la poésie, l'une des plus évocatrices définitions que je connaisse: elle est "l'amour réalisé du désir demeuré désir". On pourrait le dire de tout art, me semble-t-il, et c'est en quoi l'érotisme en est un ou peut l’être. C'est la poésie des corps, en tant qu'ils sont sexués.

 

  • C’est d’autant plus exigeant, en l’occurrence , qu’aimer tous les beaux corps, c’est aimer les corps dont, le plus souvent, on n’aura jamais la jouissance : c’est aimer la beauté plus que la possession, la contemplation plus que le coït, disons la jouissance esthétique plus que la jouissance sexuelle. C'est en quoi cela constitue un progrès : on est passé d’un amour purement sensuel, presque physiologique (l’homme ou la femme en manque), à un amour déjà esthétique (la soif de la beauté). Dans un cas, c’est le beauf qui se dit : « Elle est bonne! » ; dans l’autre, c’est l’homme raffiné et admiratif qui se dit : « qu’est ce que les femmes sont belles ! » N’importe qui est capable d’aimer un beau corps ; les hommes qui aiment vraiment la beauté des femmes sont moins nombreux , y compris chez les hétérosexuels, qu’on ne fait mine de le croire. 

 

  • Et Platon d'enfoncer le clou:"Ce qu'on n'a pas, ce qu'on n'est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir et de l’amour. »

 

  • Quel plaisir d'être troublé par l'autre, de constater qu'on le trouble, quelle émotion de percevoir la sienne, quel spectacle exquis que de le regarder nous regarder! Quel plaisir d'être deux, de se toucher, de se caresser, de se prendre mutuellement, d'habiter cette intimité, cette dualité, cette relation à nulle autre pareille…

 

  • C'est peut-être, sur l'amour, la phrase la plus bouleversante que je connaisse. Dans Minima Moralia, Adorno écrit ceci:"Tu seras aimé lorsque tu pourras montrer ta faiblesse sans que l'autre s'en serve pour affirmer sa force. »