First step.

 

Simone De Beauvoir

Le deuxième sexe:(tome1)

Les faits et les mythes.

 

  • La consigne de "l'amour conjugal" invite au contraire à tous les refoulements et à tous les mensonges. Et d'abord elle interdit aux époux de véritablement se connaître. L'intimité quotidienne ne crée ni compréhension ni sympathie. Le mari respecte trop sa femme pour intéressé aux avatars de sa vie psychologique : ce serait lui reconnaître une secrète autonomie qui pourrait s'avérer gênante, dangereuse; au lit prend-elle vraiment du plaisir? Aime-t-elle vraiment son mari? Est-elle heureuse de lui obéir? Il préfère ne pas s'interroger; ces questions lui semblent même choquantes. Il a épousé une "honnête femme" ; par essence elle est vertueuse, dévoué, fidèle, pure, heureuse, et elle pense ce qu'il faut penser.

 

  • Le drame du mariage, ce n’est pas qu’il n’assure pas à la femme le bonheur qu’il lui promet-il n’y a pas d’assurance sur le bonheur, c’est qu’il la mutile, il la voue à la répétition et à la routine. Les vingt premières années de la vie féminine sont d’une extraordinaire richesse; la femme traverse les expériences de la menstruation, de la sexualité, du mariage, de la maternité; elle découvre le monde et son destin. A vingt ans, maîtresse d’un foyer, liée à jamais à un homme, un enfant dans les bras, voilà sa vie finie pour toujours

 

  • Une femme qui n'a pas peur des hommes leur fait peur, me disait un jeune homme.

 

  • Mais le principe du mariage est obscène parce qu'il transforme en droits et devoirs un échange qui doit être fondé sur un élan spontané :il donne aux corps en les vouant à se saisir dans leur généralité un caractère instrumental, donc dégradant ;le mari est souvent glacé par l'idée qu'il accomplit un devoir, et la femme a honte de se sentir livrée à quelqu'un qui exerce sur elle un droit.

 

  • Personne n'est plus arrogant envers les femmes, plus agressif ou méprisant, qu'un homme inquiet pour sa virilité.
  • L'idéal de l'homme occidental moyen, c'est une femme qui subisse librement sa domination, qui n'accepte pas ses idées sans discussion, mais qui cède à ses raisons, qui lui résiste avec intelligence pour finir par se laisser convaincre. Plus son orgueil s'enhardit, plus il aime que l'aventure soit dangereuse: il est plus beau de dompter Penthésilée que d'épouser une Cendrillon consentante.

 

  • Une femme libre est exactement le contraire d'une femme légère.

 

  • Ce ne sont pas les individus qui sont responsables de l'échec du mariage: c'est l'institution elle-même qui est originellement pervertie.

 

  • C'est par le travail que la femme a en grande partie franchi la distance qui la séparait du mâle; c'est le travail qui peut seul lui garantir une liberté concrète.

 

  • La femme libre est seulement en train de naître.

 

  • "L'idée de possession est toujours impossible à réaliser positivement; en vérité on n'a jamais rien ni personne; on tente donc de l'accomplir d'une façon négative; la plus sûre manière d'affirmer qu'un bien est mien, c'est d'empêcher autrui d'en user."

 

  • C'est ainsi que beaucoup d'hommes affirment avec une quasi bonne fois que les femmes sont les égales de l'homme et qu'elles n'ont rien à revendiquer, et en même temps : que les femmes ne pourront jamais être les égales de l'homme et que leurs revendications sont vaines. C'est qu'il est difficile à l'homme de mesurer l'extrême importance de discriminations sociales qui semblent du dehors insignifiantes et dont les répercussions morales, intellectuelles sont dans la femme si profondes qu'elles peuvent paraître avoir leur source dans une nature originelle.

 

  • Comme l'a très justement dit Merleau-Ponty, l'homme n'est pas une espèce naturelle : c'est une idée historique. La femme n'est pas une réalité figée, mais un devenir ; c'est dans son devenir qu'il faudrait la confronter à l'homme, c'est à dire qu'il faudrait définir ses possibilités : ce qui fausse tant de débats c'est qu'on veut la réduire à ce qu'elle a été, à ce qu'elle est aujourd'hui, cependant qu'on pose la question de ses capacités ; le fait est que des capacités ne se manifestent avec évidence que lorsqu'elles ont été réalisées : mais le fait est aussi que lorsqu'on considère un être qui est transcendance et dépassement, on ne peut jamais arrêter les comptes.

 

  • Peu de mythes ont été plus avantageux que celui-ci à la caste maîtresse: il justifie tous ses privilèges et l'autorise même à en abuser. Les hommes n'ont pas à se soucier d'alléger les souffrances et les charges qui sont physiologiquement le lot des femmes puisque celle-ci sont "voulues par la Nature"; ils en prennent prétexte pour augmenter encore la misère de la condition féminine, par exemple à dénier à la femme tout droit au plaisir sexuel, pour la faire travailler comme une bête de somme1.

 

  • Cf Balzac, Physiologie du Mariage: "Ne vous inquiétez en rien de ses murmures, de ses cris, de ses douleurs; la nature l'a faite à notre usage, et pour tout porter: enfants, chagrins, coups et peines de l'homme. Ne vous accusez pas de dureté. Dans tous les codes des nations soi-disant civilisées l'homme a écrit les lois qui règlent le destin des femmes sous cette épigraphe sanglante: "Vae victis!" Malheur aux faibles!"

 

  • En vérité, l'influence de l'éducation et de l'entourage est ici immense. Tous les enfants essaient de compenser la séparation du sevrage par des conduites de séduction et de parade ; on oblige le garçon à dépasser ce stade, on le délivre de son narcissisme en le fixant sur son pénis ; tandis que la fillette est confirmée dans cette tendance à se faire objet qui est commune à tous les enfants. La poupée l'y aide, mais elle n'a pas non plus un rôle déterminant ; le garçon aussi peut chérir un ours, un polichinelle en qui il se projette ; c'est dans la forme globale de leur vie que chaque facteur : pénis, poupée, prend son poids.

 

  • Ce qui est certain, c'est qu'aujourd'hui il est très difficile aux femmes d'assumer à la fois leur condition d'individu autonome et leur destin féminin; c'est là la source de ces maladresses, de ces malaises qui les font parfois considérer comme "un sexe perdu".

 

  • L'homme n'aurait rien à perdre, bien au contraire, s'il renonçait à déguiser la femme en symbole. Les songes quand ils sont collectifs et dirigés, des clichés, sont bien pauvres et monotones auprès de la réalité vivante: pour le vrai rêveur, pour le poète, elle est une source bien plus féconde qu'un merveilleux éculé.

 

  • Il y a parfois entre homme et femme une vraie collaboration où les deux sont également autonomes : comme dans le couple Joliot-Curie par exemple. Mais la femme aussi compétente que son mari sort de son rôle d'épouse :leur relation n'est plus d'ordre conjugal. Il y a aussi des femmes qui se servent de l'homme pour atteindre des buts personnels. ; elles échappent à la condition de femme mariée.

 

  • Les femmes - sauf en certains congrès qui restent des manifestations abstraites - ne disent pas "nous"; les hommes disent "les femmes", et elles reprennent ces mots pour se désigner elles-mêmes; mais elles ne se posent pas authentiquement comme Sujet.

 

  • Un des bénéfices que l’oppression assure aux oppresseurs c’est que le plus humble d’entre eux se sent supérieur : un « pauvre Blanc » du sud des U.S.A a la consolation de se dire qu’il n’est pas un « sale nègre » ; et les Blancs plus fortunés exploitent habilement cet orgueil. De même le plus médiocre des mâles se croit en face des femmes un demi-dieu.

 

  • Il n'y a qu'un travail autonome qui puisse assurer à la femme une authentique autonomie.

 

  • En France surtout on confond avec entêtement femme libre et femme facile, l'idée de facilité impliquant une absence de résistance et de contrôle, un manque, la négation même de la liberté.

 

  • Dans la bouche de l'homme, l'épithète «femelle» sonne comme une insulte; pourtant il n'a pas honte de son animalité, il est fier au contraire si l'on dit de lui «C'est un mâle ! »

 

  • L'attitude de défi dans laquelle se crispent les Américaines prouve qu'elles sont hantées par le sentiment de leur féminité.

 

  • "Toute femme qui fait en sorte qu'elle ne puisse engendrer autant d'enfants qu'elle pourrait se rend coupable d'autant d’homicides, de même que la femme qui cherche à se blesser après la conception", dit Saint Augustin.

 

  • D'une manière cynique, Balzac exprime le même idéal. "La destinée de la femme et sa seule gloire sont de faire battre le cœur des hommes", écrit-il dans la Physiologie du Mariage... "La femme est une propriété que l'on acquiert par contrat; elle est mobilière car la possession vaut titre; enfin la femme n'est à proprement parler qu'une annexe de l'homme." [...]Balzac exhorte l'époux à la tenir dans une totale sujétion s'il veut éviter le ridicule du déshonneur. Il faut lui refuser l'instruction et la culture, lui interdire tout ce qui lui permettrait de développer

  • son individualité, lui imposer des vêtements incommodes, l'encourager à suivre un régime anémiant. [...] Par compensation, on les honore, on les entoure des plus exquises politesses. "La femme mariée est une esclave qu'il faut savoir mettre sur un trône", dit Balzac

 

  • Tout ce qui a été écrit par les hommes sur les femmes doit être suspect, car ils sont à la fois juge et partie.

 

  • La femme est plus que le mâle en proie à l'espèce; l'humanité a toujours cherché à s'évader de sa destinée spécifique; par l'invention de l'outil, l'entretien de la vie est devenu pour l'homme activité et projet tandis que dans la maternité la femme demeurait rivée à son corps, comme l'animal. C'est parce que l'humanité se met en question dans son être c'est-à-dire préfère à la vie des raisons de vivre qu'en face de la femme l'homme s'est posé comme le maître; le projet de l'homme n'est pas de se répéter dans le temps: c'est de régner sur l'instant et forger l'avenir. C'est l'activité mâle qui créant des valeurs a constitué l'existence elle-même comme valeur; elle l'a emporté sur les forces confuses de la vie; elle a asservi la Nature et la Femme.

 

  • l'action des femmes n'a jamais été qu'une agitation symbolique; elles n'ont gagné que ce que les hommes ont bien voulu leur concéder; elles n'ont rien pris: elles ont reçu. C'est qu'elles n'ont pas les moyens concrets de se rassembler en une unité qui se poserait en s'opposant. Elles n'ont pas de passé, d'histoire, de religion qui leur soit propre; et elles n'ont pas comme les prolétaires une solidarité de travail et d'intérêts; il n'y a pas même entre elles cette promiscuité spatiale qui fait des Noirs d'Amériques, des Juifs des ghettos, des ouvriers de Saint-Denis ou des usines Renault une communauté. Elles vivent dispersées parmi les hommes, rattachées par l'habitat, le travail, les intérêts économiques, la condition sociale à certains hommes - père ou mari - plus étroitement qu'aux autres femmes.

 

  • Pourquoi les femmes ne contestent-elles pas la souveraineté mâle? Aucun sujet ne se pose d'emblée et spontanément comme l'inessentiel; ce n'est pas l'Autre qui se définissant comme Autre définit l'Un: il est posé comme Autre par l'Un se posant comme Un.

 

  • Refuser les notions d'éternel féminin, d'âme noire, de caractère juif, ce n'est pas nier qu'il y ait aujourd'hui des Juifs, des Noirs, des femmes: cette négation ne représente pas pour les intéressés une libération, mais une fuite inauthentique.

 

  • Ce ne sont pas les individus qui sont responsables de l'échec du mariage: c'est l'institution elle-même qui est originellement pervertie.

 

  • L'idéologie chrétienne n'a pas peu contribué à l'oppression de la femme.

 

  • Nous ne devons pas considérer avec moins de méfiance les arguments des feministes : bien souvent le souci polémique leur ôté toute valeur. Si la "question des femme" est si oiseuse c'est que l'arrogance masculine en a fait une "querelle"; quand on se querelle, on ne raisonne plus bien. C'est qu'on a cherché inlassablement à prouver c'est que la femme est supérieure, inférieure ou égale à l'homme : créée après Adam, elle est évidemment un être secondaire, ont dit les uns; au contraire, ont dit les autres, Adam n'était qu'une ébauche et Dieu a réussi l'être humain dans sa perfection quand il a créé Ève; son cerveau est le plus petit : mais il est relativement le plus grand; le Christ s'est fait homme : c'est peut être par humilité. Chaque argument appelle aussitôt son contraire et souvent tous deux portent à faux. Si on veut tenter d'y voir clair il faut sortir de ces ornières; il faut refuser les vagues notions de supériorité, infériorité, égalité qui ont perverti toutes les discussions et repartir à neuf. Mais alors comment poserons nous la question? Et d'abord qui sommes-nous pour la poser? Les hommes sont juges et parties : les femmes aussi. Où trouver un ange?

 

  • Elle est seule aussi au milieu de ses doutes et elle risque cette estime de soi à quoi elle tient plus qu’à la vie. C’est l’ardente quête des vraies raisons de vivre à travers les ténèbres de l‘ignorance, des préjugés, des mystifications, dans la lumière vacillante et fiévreuse de la passion, c’est le risque infini du bonheur ou de la mort, de la grandeur ou de la honte qui donne à ces destinées de femme leur gloire romanesque.

 

  • Au début de ce siècle, dans les raffineries du Nord, un règlement défendait aux femmes d'entrer dans la fabrique quand elles étaient atteintes par ce que les Anglo-saxons appellent le "curse", la "malédiction": car alors le sucre noircissait. Et à Saigon, on n'emploie pas de femmes dans les fabriques d'opïum: par l'effet de leurs règles, l'opium tourne et devient amer. Ces croyances survivent dans beaucoup de campagnes françaises. Toute cuisinière sait qu'il lui est impossible de réussir une mayonnaise si elle est indisposée ou simplement en présence d'une femme indisposée.

 

  • Les minorités les plus opprimées d'une société sont volontiers utilisées par les oppresseurs comme une arme contre l'ensemble de la classe à laquelle elles se rattachent; du même coup, elles apparaissent d'abord comme ennemies et il faut une conscience plus profonde de la situation pour que les intérêts des Noirs et des Blancs, des ouvrières et des ouvriers réussissent à se coaliser au lieu de s'opposer les uns aux autres. On comprend que les travailleurs mâles aient d'abord vu dans cette concurrence à bon marché une menace redoutable et qu'ils se soient montrés hostiles. C'est seulement quand les femmes ont été intégrées à la vie syndicale qu'elles ont pu défendre leurs propres intérêts et cesser de mettre en danger ceux de la classe ouvrière dans son ensemble.

 

  • Le XVIIème siècle aussi est divisé. En 1744 à Amsterdam l'auteur de la Controverse sur l'âme de la femme déclare que "la femme créée uniquement pour l'homme cessera d'être à la fin du monde parce qu'elle cessera d'être utile à l'objet pour lequel elle avait été créée, d'où il s'ensuit nécessairement que son âme n'est pas immortelle." D'une manière moins radicale, Rousseau qui se fait ici l'interprète de la bourgeoisie voue la femme à son mari et à la maternité. "Toute l'éducation des femmes doit être relative aux hommes... La femme est faite pour céder à l'homme et pour supporter ses injustices", affirme-t-il.

 

  • Pour prouver l’infériorité de la femme, les anti-féministes ont alors mis à contribution non seulement comme naguère la religion, la philosophie, la théologie mais aussi la science : biologie, psychologie expérimentale, etc. Tout au plus consentait-on à accorder à l'autre sexe "l'égalité dans la différence ».

 

  • La vieille femme, la laide, ne sont pas seulement des objets sans attraits ; elles suscitent une haine mêlée de peur. En elles se retrouvent la figure inquiétante de la mère tandis que les charmes de l'Epouse se sont évanouis.
 
  • Chez l'homme il n'y a entre vie publique et vie privée aucun hiatus: plus il affirme dans l'action et le travail sa prise sur le monde, plus il apparaît comme viril; en lui valeurs humaines et valeurs vitales sont confondues; au lieu que les réussites autonomes de la femme sont en contradiction avec sa féminité puisqu'on demande à la "vraie femme" de se faire objet, d'être l'Autre.

 

  • Ainsi nous voyons que le mythe s'explique en grande partie par l'usage que l'homme en fait.

 

  • Le privilège économique détenu par les hommes, leur valeur sociale, le prestige du mariage, l'utilité d'un appui masculin, tout engage les femmes à vouloir ardemment plaire aux hommes. Elles sont encore dans l'ensemble en situation de vassalité. Il s'ensuit que la femme se connaît et se choisit non en tant qu'elle existe pour soi mais telle que l'homme la définit. Il nous faut donc la décrire d'abord telle que les hommes la rêvent puisque son être-pour-les-hommes est un des facteurs essentiels de sa condition concrète.

 

  • Comment le mythe de Cendrillon ne garderait-il pas toute sa valeur? Tout encourage encore la jeune fille à attendre du "prince charmant" fortune et bonheur plutôt qu'à en tenter seule la difficile et incertaine conquête. En particulier, elle peut espérer accéder grâce à lui à une caste supérieure à la sienne, miracle que ne récompensera pas le travail de toute sa vie.

 

  • La parole est un acte subversif, la première étape de la libération.

 

  • Mais il y a de profondes analogies entre la situation des femmes et celle des Noirs: les unes et les autres s'émancipent aujourd'hui d'un même paternalisme et la caste naguère maîtresse veut les maintenir à "leur place", c'est à dire à la place qu'elle a choisie pour eux; dans les deux cas elle se répand en éloges plus ou moins sincères sur les vertus du "bon Noir" à l'âme inconsciente, enfantine, rieuse, du Noir résigné, et de la femme "vraiment femme", c'est à dire frivole, puérile, irresponsable, la femme soumise à l'homme. Dans les deux cas, elle tire argument de l'état de fait qu'elle a créé.

 

  • Refuser d'être l'Autre, refuser la complicité avec l'homme, ce serait pour elles renoncer à tous les avantages que l'alliance avec la caste supérieure peut leur conférer. L'homme-suzerain protégera matériellement la femme-lige et il se chargera de justifier son existence: avec le risque économique elle esquive le risque métaphysique d'une liberté qui doit inventer ses fins sans secours. En effet, à côté de la prétention de tout individu à s'affirmer comme sujet, qui est une prétention éthique, il y a aussi en lui la tentation de fuir sa liberté et de se constituer en chose: c'est un chemin néfaste car passif, aliéné, perdu, il est alors la proie de volontés étrangères, coupé de sa transcendance, frustré de toute valeur. Mais c'est un chemin facile: on évite ainsi l'angoisse et la tension de l'existence authentiquement assumée. L'homme qui constitue la femme comme un Autre rencontrera donc en elle de profondes complicités. Ainsi, la femme ne se revendique pas comme sujet parce qu'elle n'en a pas les moyens concrets, parce qu'elle éprouve le lien nécessaire qui la rattache à l'homme sans en poser la réciprocité et parce que souvent elle se complaît dans son rôle d'Autre.

 

  • Le couple est une unité fondamentale dont les deux moitiés sont rivées l'une à l'autre: aucun clivage de la société par sexes n'est possible. C'est là ce qui caractérise fondamentalement la femme: elle est l'Autre au coeur d'une totalité dont les deux termes sont nécessaires l'un à l’autre.

 

  • Si sa fonction de femelle ne suffit pas à définir la femme, si nous refusons aussi de l'expliquer par "l'éternel féminin" et si cependant nous admettons que, fût-ce à titre provisoire, il y a des femmes sur terre, nous avons donc à nous poser la question: qu'est-ce qu'une femme?

 

  • La grande excuse de la femme c'est qu'on lui a imposé d'engager dans le mariage tout d'elle-même: elle n'a pas de métier, pas de capacités, pas de relations personnelles, son nom même n'est plus à elle; elle n'est rien que «la moitié» de son mari.

 

  • La crise de la ménopause coupe en deux avec brutalité la vie féminine; c'est cette discontinuité qui donne à la femme l'illusion d'une «nouvelle vie».

 

  • L'intimité quotidienne ne crée ni compréhension ni sympathie.

 

  • L'amour maternel n'a rien de naturel.

 

  • Il y a des tendances lesbiennes chez presque toutes les jeunes filles; ces tendances se distinguent à peine de la délectation narcissiste.

 

  • Etre femme, c'est sinon une tare, du moins une singularité. La femme doit sans cesse conquérir une confiance qui ne lui est pas d'abord accordée.

 

  • Et, c'est, en partie par peur de la violence, du viol, que l'adolescente adresse souvent son premier amour à une aînée plutôt qu'à un homme. La femme virile réincarne à la fois pour elle le père et la mère.

 

  • Certaines femmes sentent leur féminité comme, une malédiction absolue: elles souhaitent ou accueillent une fille avec l'amer plaisir de se retrouver en une autre victime.

 

  • C'est par le travail que la femme a en grande partie franchi la distance qui la séparait du mâle; c'est le travail qui peut seul lui garantir une liberté concrète.

 

  • Elle veut prendre sa revanche en jouant le jeu avec des armes masculines: elle parle au lieu d'écouter.